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en mocassins

A-t-il fini l’un de ces colosses, il le fait marcher, et, attentivement, l’examine en changeant de point de vue. S’il le trouve sans défaut, il le laisse partir et suivre sa destinée ; sinon, il lui retire le don de la vie.

C’est le front pensif et l’attention appliquée aux moindres détails, qu’il fait les êtres les plus petits comme les plus grands. Souvent, il interrompt son. travail, ferme les yeux et s’enfonce dans une méditation si absorbante qu’aucune intempérie ne peut l’en tirer.

Il n’y a pas de forme vivante qu’il n’ait inventée, pas de climat si dur ni de lieu si inhospitalier auxquels il n’ait adapté des êtres animés. Il n’est pas non plus d’outil ou d’ustensile dont il n’ait muni quelqu’une de ses créatures. Le pélican ne se sépare jamais de sa gibecière ; ni le castor, de sa truelle ; ni le canard, de sa nacelle et de ses rames. Le nez du poisson prend tantôt la forme d’une scie, tantôt celle d’une lance ou d’une houe. La tortue traîne sa tente, et l’écrevisse, ses tenailles. Avec de délicates pincettes, les oiseaux de rivage tirent du fond des eaux les coquillages qui leur servent de nourriture. Les Visages-Pâles imiteront ces inventions ingénieuses, Michabou lui-même concevra le rets sur le modèle des toiles d’araignée. Chémanitou est le fantastique et sombre travailleur aux conceptions fécondes, au génie impénétrable.