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chémanitou et machinitou

Mais les chefs-d’œuvre du Grand-Esprit sont les manitous gracieux, agiles comme le vent et, selon leur caprice, lourds ou légers, brillants ou invisibles.

Il a même fait le Mauvais-Esprit, Machinitou ; mais c’est par accident qu’il lui a laissé la vie.

Le Grand-Esprit à l’œuvre.

Vers l’origine du temps, avant la création de l’homme, dans l’ombre des commencements et les clartés des premières aurores, on trouve Chémanitou à l’île encore toute jeune de Métouac[1]. C’est l’endroit qu’il a choisi pour y ébaucher l’avenir, concevoir les futurs habitants de la terre et semer les germes de la vie. Il aime ce fond de mer récemment émergé, au sol uni, couvert seulement de marais et d’herbages ; cette solitude vierge où ne passent que les ombres des oiseaux de mer, où la cadence des vagues battant les grèves, sert de rythme à la pensée. Là, isolé entre les grands mystères du ciel et des eaux, les cheveux agités par le vent des premiers âges, il invente, compose, façonne ses créatures. Il sculpte des animaux si petits qu’ils sont à peine visibles ; il en construit de si grands qu’une même région ne pourrait en nourrir plusieurs, de si forts qu’ils pourraient résister à leur Auteur lui-même, n’était le droit qu’il se réserve toujours de leur

ôter la vie.


  1. Aujourd’hui Rhode-Island.