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le paradis perdu

pur, l’être répond : « Oui, je suis la femme connue des oiseaux, et je m’appelle Atta ; mais toi, mon Frère, d’où viens-tu » ?

Grave et respectueux, Le-Loup fait quelques pas vers la femme céleste (que le crissement de ses mitasses raidies par le sel marin, à l’air de surprendre un peu) et, non sans emphase, répond : « Je viens de la mer lointaine, située au-dessous des espaces azurés, et je suis l’un des six hommes qu’y créa Taronhiawagon, le Maître de l’univers. »

Atta lui montre une large pierre sur laquelle elle s’assoit à côté de lui. Là, curieuse de connaître son histoire, elle l’interroge, et Le-Loup, modestement, sans trop se faire prier, lui raconte ses merveilleuses aventures depuis que, avec ses cinq frères, il a pris conscience de lui-même sur le dos d’une énorme tortue. Il lui dit comment, autour de la complaisante carapace, il apprit à nager, et lui décrit la misère des commencements alors que, sans armes, ses frères et lui ne comptaient que sur leur force et leur adresse. C’étaient des corps-à-corps avec les monstres de l’abîme, des poursuites acharnées ou des fuites éperdues sur l’océan, des randonnées sur la croupe des marsouins. Il lui peint les différents aspects des eaux immenses, les furieuses tempêtes, les trombes jaillissant du gouffre, l’effarement des oiseaux devant les cyclones qui creusaient l’océan et y soulevaient des montagnes. Il lui raconte l’invention de la flèche et du