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en mocassins


Ce chant ému se mêle au lacustre murmure,
Aux éclats de la foudre, au refrain de l’oiseau ;
Puis le barde finit son hymne à la nature,
Et, de rechef, ses doigts courent sur le roseau.

Sa muse de trois sœurs est à l’instant suivie :
Trois manitous qu’anime un souffle du désert.
Chantent ce qu’ils ont vu dans leurs mille ans de vie.
Muse, oh ! répète-nous leur sauvage concert !

Chant du Nibanabègue.

« Le gouffre est mon palais, avec l’onde je coule, »
Reprend Nibanabègue ; « au plus profond de l’eau,
S’endort, à mon côté, le serpent qui se roule
Et forme l’arc-en-ciel de son immense anneau. »

« Jadis à Métouak[1], la grande île marine
Dont Chémanitou[2] fit sa table de travail,
Je l’ai vu façonner un monstre dont l’échine
Noircissait du levant l’éblouissant émail. »

« Avant que son auteur lui fît octroi d’une âme,
Et s’enfermât trois jours dans ses flancs ténébreux,
Pour y mettre la vie en allumant la flamme,
Mon belvédère était le rebord de ses yeux. »

  1. Nom algonquin de Rhode-Island.
  2. Pour Kitchimanitou, le Grand-Esprit.