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de disparaître. Tourne vivement ton canot et va toi-même de ce côté. Si tu rames bien vite tu auras la chance de le voir sortir de l’eau tout près de toi. » Sa chair brune est très dure. C’est la coutume de s’inviter, entre chasseurs, à déguster un repas au huard. Accroupi autour de la chaudière appétissante, on mange lentement et longtemps. Le bruit sonore des os sucés et vidés de leur moelle sert de musique à ce festin.

MONIANG

Moniang est le nom indianisé de la ville de Montréal, fondée par Monsieur de Maisonneuve en 1642.

C’est de Moniang, en 1660, que partit Dollard des Ormeaux avec ses braves pour le sublime exploit du Long-Sault. Ce fut à Moniang, le 16 mars 1686, que chaussèrent la raquette Pierre de Troyes et ses cent soldats pour leur vaillante expédition contre Mousipi, Albany et Rupert, à la Baie James. Ce fut encore à Moniang, le 19 mai 1818, que les deux premiers missionnaires de la Rivière-Rouge, les abbés Provencher et Dumoulin, prirent le canot qui devait les conduire vers l’Ouest canadien. Ce fut toujours à Moniang, en 1843, que les sœurs Grises de Montréal dirent adieu à leurs compagnes de l’Est pour se porter au secours des Indiens et métis des prairies. Un voyage de 1 500 milles, huit semaines à travers lacs, rivières et portages fangeux. De Moniang les grands canots de la Compagnie de la Baie d’Hudson partaient, avec courrier et marchandises pour la traite lointaine des fourrures. Enfin, ce fut à Moniang que le 24 juin 1845 les premiers oblats, le Père Aubert et le Frère Taché, s’embarquèrent à leur tour, sans se douter que plusieurs centaines de missionnaires oblats suivraient leurs traces et porteraient leur apostolat jusqu’au pôle Nord. Le voyage se fit successivement par les rivières Ottawa, Matawa et des Vases ; par le lac Nipissing, la rivière des Français, le lac Huron, le lac Supérieur et ainsi jusqu’à la rivière Ministikweia. Puis là, les missionnaires s’engagèrent dans un dédale de lacs, de petites rivières, de portages qui les conduisit à la hauteur des terres qui séparent le versant du Saint-Laurent de celui de la Baie d’Hudson. Là, le jeune Frère Taché éprouva de profondes émotions. Devenu Évêque par la suite, il les raconta ainsi dans ses « Vingt années de Mission », à la page 8 : « Vous me pardonnerez un mot, pour exprimer l’émotion qu’éprouva mon cœur en cet endroit : Nous arrivions à l’une des sources du Saint-Laurent ; nous allions laisser le Grand Fleuve, sur les bords duquel

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