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aS VIRGILE ET VICTOR HUGO de cet hexamètre aux longs mots palpitants, par un large vers : Et sa gorge engloutit les chairs des malheureux. « Je l'ai vu, de mes yeux vu, continue Achéménide, lorsqu'il saisit dans sa grande main le corps de deux des nôtres, qu'au milieu de son antre étendu, il les brisa contre le roc et que la porte éclaboussée dégouttait de sang ». Vidi egomet duo de numéro cum corpora nostro Prensa manu magna, medio resupinus in antro, Frangerai ad saxum, sanieque aspersa natarent Limina. Je l'ai vu, traduit le disciple, cherchant à égaler, et même à surpasser ce tableau d'horreur. Prendre en sa vaste main deux des soldats d'Ulysse, J'ai vu leurs corps brisés sur un roc tressaillir, Leurs crânes sur le seuil en mille éclats jaillir. Il ne lui suffît pas que le monstre mâche les membres saignants, il fait « crier leurs os » sous ses dents. L'épieu pointu « telo acuto » est un faible instrument pour crever l'œil du Cyclope, il se souvient d'Homère et prend Un tronc d'arbre noueux qu'un fer aigu prolonge. Il a même parfois de véritables trouvailles d'expression. L'Ithacien n'oublia pas son génie en un tel danger: « Nec. Oblitusve sui est Ithacus discrimine tanto. » lui inspire cette spirituelle traduction : Ulysse se souvint d'Ulysse en ce danger. Il fait contraster, en les rapprochant, deux vers qui pei- gnent Polyphème aveugle et Polyphème pasteur : Monstrum horrendum, informe, ingens, cui lumen ademptum. Lanigerae comitantur oves : ea sola voluptas Solamenque mali... Un monstre informe, affreux, vaste et privé du jour ; Son troupeau qui le suit charme seul sa souffrance :