Page:Guérin - Le Semeur de cendres, 1901.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et dans le bourg qui brille au milieu des prés verts,
Les fenêtres qu’on ouvre échangent des éclairs.
La fraîcheur de la vie entre par la croisée ;
Je l’aspire, j’en bois sur tes cils la rosée.
Et, mêlée à la grâce heureuse du décor,
Mon immortelle amour, tu m’es plus chère encor.
Nous tremblons, enivrés du vin de notre joie,
Et, dans le long délice où notre chair se noie,
Songeant que, pour bénir nos noces, le Destin
A revêtu la chape ardente du matin
Et qu’il emprunte au ciel son ostensoir de flammes.
Et voici qu’unissant leurs rêves, nos deux âmes,
A travers la rumeur grandissante du jour,
Pleurent dans l’infini silence de l’amour. »

L’amour ?… Lève les yeux, mon pauvre enfant, regarde !
Le val est toujours bleu de lune, le jour tarde,
La rivière murmure au loin avec le vent.
Et te voilà plus seul encor qu’auparavant.
La bien-aimée au front pensif n’est pas venue.
Le sein que tu pressais n’est qu’une pierre nue,
La voix qui ravissait tes sens n’est que l’écho