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Tu cèdes sous ma main comme un rameau de saule,
Ton silence m’enivre et tes yeux sont si beaux,
Si tendres, que mon cœur se répand en sang-lots.
Toi vers qui je criais du fond de ma détresse,
Sœur, fiancée, amie, ange, épouse, maîtresse,
C’est toi-même, c’est toi qui songes dans mes bras !
Te voici pour toujours mienne, tu dormiras
Mêlée à moi, fondue en moi, pensive, heureuse,
Et prodigue sans fin de ton âme amoureuse !
Dieu juste, soyez béni par cet enfant
Qui voit et contre lui tient son rêve vivant !
Mais toi, parle, ou plutôt, sois muette, demeure
Jusqu’à ce qu’infidèle au ciel plus pâle, meure
Au levant la dernière étoile de la nuit.

Déjà l’eau du malin pèse à l’herbe qui luit.
Et modelant d’un doigt magique toutes choses.
L’aube vide en riant son tablier de roses.
L’enclume sonne au loin l’angelus du travail.
Écoute passer, cloche à cloche, le bétail
Et rauquement mugir la trompe qui le guide !
La vallée a des tons d’émeraude liquide,