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MARIE-DIDACE

s’il arrachait un morceau de son cœur, un air si langoureux, si nostalgique, que chacun pausa croyant entendre la plainte de sa propre nostalgie.

Lorsqu’il eut terminé, on fit le saut d’apercevoir Joinville Provençal, nu-tête et éméché, la chemise à moitié déboutonnée. La veille, il avait disparu du Chenal. Personne ne savait d’où il revenait.

— As-tu fini tes garouages ? lui demanda Pierre Côme, d’une voix sévère.

Sa mère s’approcha lui criant :

— Boutonne-toi vite ! Si c’est pas une vraie honte ?

Mais elle se pencha et lui dit plus bas :

— Tu vas prendre du mal. As-tu faim ? Veux-tu de quoi manger ?

Les yeux agrandis, Angélina le regardait. De loin, le père Didace l’observait aussi. Il se dit : « Il cherche à singer le Survenant, comme si, en prenant ses défauts, il pourrait lui ressembler. L’autre avait assez de qualités pour se faire pardonner ses défauts. Mais, lui ? Jamais de la vie. »

Sans faire cas de qui que ce soit, Joinville écarta les enfants et il s’agenouilla sur le plancher. Les doigts passés dans l’anneau de fer, il tentait vainement de lever la trappe de cave.

— Quoi c’est qu’il fait là dans le monde ? demanda une des femmes.