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MARIE-DIDACE

— Et le Survenant a pas même eu le cœur de le garder.

— Tu le sais pas ! Ils ont pu se perdre en chemin… Tu nieras toujours pas que le Survenant était prévenant comme on en voit rarement ? Et pas haïssable, il s’en faut. Pas ravagnard, non plus. Puis, à part de ça, hein ? ben regardable, avec sa belle démarche et sa chevelure flambant rouge, pire qu’un feu de forêt, comme disait Angélina.

Phonsine détourna la tête et demeura songeuse. Une lumière étrange dans le regard, elle murmura :

— Je sais pas si je verrai jamais la fin de cette Acayenne-là ?

— Parle pas de même, lui reprocha Marie-Amanda.

— Je te le dis carrément, Marie-Amanda, j’ai peur pour plus tard. J’ai peur. J’ai toujours comme une souleur au cœur.

Le profil de Phonsine se détacha, maigre et tourmenté sur la pâleur du jour. Elle se mit à trembler. Marie-Amanda la prit affectueusement par les épaules :

— Pauvre Phonsine, va !

Elle sentait les os de la jeune femme à travers ses vêtements. Plus émue de sa maigreur et de sa faiblesse que de son inquiétude qui lui paraissait puérile, Marie-Amanda eut pitié d’elle :