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MARIE-DIDACE

rait à son père. Elle voulait, pour un baiser d’adieu, lui jeter ses bras autour du cou. Mais se méprenant sur son geste, il ne lui en avait pas laissé le temps, pressé de s’en aller, trop heureux de se libérer d’un fardeau.

Une grande de dix ans, le visage fermé, portant l’uniforme gris fer, les cheveux tirés en arrière par un peigne de corne rose que Phonsine avait vu tout de suite, l’avait emmenée prendre son rang aux gradins. Les marches étaient hautes et, dans l’air, stagnaient des odeurs de craie et de pommes fanées.

Trop timide, trop sensible pour se plaindre, Phonsine avait souffert en silence dans la crainte continuelle d’être renvoyée.

— Montez au dortoir !

Elle avait grelotté de froid, la nuit, quand un accident lui arrivait. Et grelotté de peur.

— Descendez au réfectoire !

Face au mur blanchi, elle avalait par obéissance un peu de sagamité, laissant les grains de blé d’Inde qui répugnaient à son estomac faible.

— Et maintenant, jouez ! Courez !

Phonsine courait, pliée en deux par une barre de colique. Elle jouait, quand elle se fût contentée de souffrir, tranquille.

La claquette se fermait pour le signal de l’agenouillement. Ses genoux la supportant à peine, l’en-