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LE SURVENANT

Mais rejetant les pans de sa chape, elle mit ses deux mains sur les épaules du Survenant. D’un ton suppliant et humble, elle commença :

— Si tu voulais, Survenant…

Tendrement il emprisonna un moment dans les siennes les mains qui s’accrochaient à lui et y enfouit son visage. D’un geste brusque il se dégagea et, la voix enrouée, il dit :

— Tente-moi pas, Angélina. C’est mieux.

À grandes foulées, il se perdit dans la nuit noire.

* * *

La route le reprendra…

S’il part maintenant, on le plaindra de ne pas avoir autant de tête que de cœur : il ne savait pas ce qu’il voulait. Et on l’oubliera vite. Mais s’il tardait encore et qu’Angélina lui parlât ainsi qu’elle lui a parlé ce soir, qu’arriverait-il ? Si elle cherchait encore à l’attacher à une maison ? Lui qui ne peut faire de peine à personne par exprès serait capable de l’épouser. Et la maison croulerait. Un jour il le sent, la route le reprendra.

La route le reprendra…

Alors pourquoi pas tout de suite ? Il n’a ni femme, ni biens. Il a ses deux jambes, bons bras, bons reins. Sa dette aux Beauchemin ? Il croit l’avoir