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LE SURVENANT

— C’est égal, Provençal m’a parlé le premier. J’ai le trait sur lui. À c’t’heure, je chasserai tant que je voudrai.

De son côté Pierre-Côme Provençal, bouffi d’orgueil, réfléchissait qu’il s’en était tiré à peu de frais : pour la valeur d’une faible concession il s’était assuré le vote des Beauchemin et de toute une phalange qui ne jurait que par eux. De nouveau il serait maire aux prochaines élections.

Il se retourna et jeta un lent regard au bien des Beauchemin. De ses petits yeux bridés à la façon du renard en contemplation devant une proie, il en mesura la richesse : vingt-sept arpents, neuf perches, par deux arpents, sept perches, plus ou moins. Les champs gris, uniformes, striés seulement de frais labours, se déroulaient comme un drap de lin tendu de la baie de Lavallière jusqu’au chenal. À la tombée du jour, Pierre-Côme les distinguait à peine. Mais il savait que, dans ce sol alluvial où l’on chercherait vainement un caillou, le sarrasin, le foin, l’avoine lèveraient encore à pleines clôtures pour de nombreuses récoltes.

Sur la terre voisine, de même grandeur, vivaient David Desmarais et sa fille unique, Angélina. Pierre-Côme songea à ses quatre garçons qu’il faudrait établir dans les environs : Un peu rétive, la demoiselle à David Desmarais. Pas commode à fréquenter. Ni