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PASSAGE DE L’HOMME

crèche, mais une grande crèche, Monsieur, qui était haute comme cette huche, et ça figurait la cuisine, notre cuisine, avec tout ce qu’il y avait dedans, avec la porte, avec les fenêtres, avec la cheminée. Et tout cela était en bois, et tous les personnages aussi : l’Enfant Jésus, sur la litière de paille, et qui souriait, avec la mine d’un petit de chez nous, et Saint Joseph, qui ressemblait au menuisier, et Sainte Marie, qui ressemblait à Claire, et un Berger, qui ressemblait à Celui des Hauts, et les Rois Mages ; l’un était le Père, et l’autre l’Homme ; et le troisième, qui était noir, on aurait dit Monsieur le Curé. Et il y avait le Bœuf et l’Âne. C’était sculpté et colorié comme les belles statues d’une église et ça ne demandait qu’à parler. Je revois la Vierge Marie, les mains tombées le long du corps, toute fondue d’espérance et de joie. Ah ! c’était beau, Monsieur que c’était beau ! Il apporta tout ça, avec Celui des Hauts, quand nous eûmes fini de souper. On mit la crèche à droite de la cheminée, on éteignit, et on resta là sans rien dire, les chaises serrées les unes contre les autres, à regarder le chien qui, aux soirs de veillée, couchant toujours là où maintenant était la crèche ; ne changea rien à son usage : il renifla l’Enfant Jésus et s’allongea tout près de lui,