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PASSAGE DE L’HOMME

chantaient, les poules picoraient sur le fumier, le ciel était maintenant tout bleu. Et Monsieur le Curé s’en alla, visiblement mécontent, d’un pas très sec, et ne referma pas sur lui la petite barrière du jardin.

Un soir, après le repas, comme nous étions assis devant la porte, l’Homme dit : « Maître Pierre — c’était la première fois je crois, qu’il appelait ainsi le Père, — Maître Pierre, je me demande s’il ne va pas me falloir partir. Oui, quand on en aura fini avec la moisson. Je me plais bien parmi vous tous, et dans le pays, mais j’ai peur de vous valoir du désagrément. Quand on ne pense pas tout à fait comme tout le monde, alors la vie déjà est difficile. Mais quand on a des idées à soi, auxquelles on tient, et que c’est des idées sur Dieu, et que tout le monde commence à les connaître, alors la vie est impossible. »

C’est la Mère d’abord qui répondit. Et elle parla selon son cœur. Elle dit que l’Homme devait rester, s’il avait plaisir à être ici. Quant aux ennuis qui pourraient venir, eh bien ! on verrait quand ils seraient là… « Vous êtes un garçon clair, et tout le monde vous estime, il n’y a pas de raison de partir. » Et le Père parla pareillement. Et il nous sembla bien, quand il dit la prière du soir, devant la porte et tout le grand ciel plein d’étoiles,