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PASSAGE DE L’HOMME

bien. À la vérité, d’ailleurs, l’Homme n’était pas seul, et c’est ce qui compliqua d’abord les choses, car il y avait le Maître d’École. Le Maître d’École nous venait de la ville. Il disait que Dieu était mort, et même que Dieu n’avait jamais vécu… mais je vous reparlerai de cela plus tard, car, dans la suite, l’Homme fut aussi haï de l’un que de l’autre.

Monsieur le Curé, donc, s’en vint chez nous un dimanche après la Pentecôte, l’après-midi. C’était le temps de la moisson, mais il pleuvait. Nous étions tous à la maison, et l’Homme, assis tout près du seuil, baissait la tête et semblait réfléchir. Cela lui arrivait souvent. Il demeurait comme ça, bien facilement, des heures entières. D’abord cela nous parut drôle, et puis on s’habitua à ce silence, et on finit même par l’aimer, jusqu’à ce qu’enfin, nous autres aussi, on sût un peu ce qu’il y a dans le silence.

Monsieur le Curé avait son parapluie, un parapluie vieux et troué qui lui venait sûrement de sa mère, — il était un peu regardant à la dépense. Il le ferma avec de grandes précautions, l’égoutta un peu, et enfin il leva les yeux et avança la main, comme s’il devait ouvrir la porte. Et alors il vit l’Homme tout droit devant lui, qui s’était levé, et lui tendait la main, et s’effaçait pour le laisser