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PASSAGE DE L’HOMME

je dirai ainsi, parce que, tout de même, dire le Curé, c’est méprisant, et je n’ai aucun mépris pour lui : c’était un brave homme, un saint homme, dans son genre à lui, et qui faisait bien son métier — ce qui fâcha d’abord Monsieur le Curé, c’est que l’Homme ne veuille pas communier. Vous savez que ça doit se faire à Pâques, au moins à Pâques. Nous autres, nous y étions pliés. Tout le village défilait à l’église. On transportait les vieux eux-mêmes, ou alors s’ils étaient trop vieux, Monsieur le Curé venait avec un enfant de chœur — j’entends encore la vieille sonnette fêlée — et apportait les sacrements. C’était tout un remue-ménage que la semaine de Pâques, de ce temps-là. Le village faisait sa lessive. Il nous semblait qu’on était devenus meilleurs, que, de nouveau, on était presque des enfants. Tout ça, c’était le Bon Dieu, bien sûr, mais aussi le printemps qui venait, et les toilettes neuves qu’on portait. Et l’année n’était pas meilleure. On retombait dans les vilaines affaires, affaires de sous, affaires de filles grosses d’on ne sait qui, et même parfois affaires de mort — oui, je veux dire : affaires de crimes.

Tout le village donc, cette année-là, avait communié, et il ne restait plus que l’Homme. Et vous pensez que Monsieur le Curé le savait