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PASSAGE DE L’HOMME

perdu. Et Claire, qui s’était levée du banc pour aller ouvrir, était là, debout derrière moi, avec une main sur mon épaule, et tremblait un peu. Enfin, le Père dit : « Entrez ! » comme avec un peu d’impatience, et la porte s’ouvrit ; d’abord doucement, dans un grand silence, puis tout d’un coup elle échappa à l’homme et, comme soufflée par le vent, s’en vint heurter l’horloge avec fracas et cassa la vitre. L’homme resta un moment immobile et tête baissée. Il était grand et enveloppé d’une cape brune. On s’étonnait qu’il eût pu passer la porte. Il releva la tête, fixa la lampe et porta la main à ses yeux, et il dit : « Bonsoir ! » et en même temps il repoussait la porte sur le vent. Et il allait mettre les verrous, et il essayait, lorsqu’il parut penser qu’il y avait d’abord quelque chose d’autre à faire. Il s’avança dans la lumière. Le Père était debout, je me rappelle, et la Mère un peu derrière lui. Le Père tendit la main : « Bonsoir, l’homme !… » et demeura court. Alors la Mère : « La nuit est bien mauvaise ! » — Oui, bien mauvaise… » Le chien se dressa contre l’homme qui se mit à le caresser, d’un mouvement lent, comme habituel, comme si vraiment ils étaient l’un pour l’autre une vieille connaissance. « Alors, comme ça, dit-il, vous étiez en train de manger… ? Faut pas