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PASSAGE DE L’HOMME

ce jour était resté au fond de nous comme une clarté. Aucun de nous qui n’eût souffert, aucun de nous pour souhaiter pourtant que les choses eussent été différentes.

L’aube nous surprit parlant encore : Que faire avec ceux du village ? — Je leur dirai, répondait l’Homme, je leur dirai que je me suis trompé, je leur demanderai pardon à tous. — Et pas un seul ne te croira ! et, s’ils te croient, ils te chasseront avec des pierres ! Ce qu’ils attendent de toi, tu ne l’imagines certainement pas. Tu es un dieu pour eux. Tu es celui qui doit mener aux Iles.

« — Je leur parlerai doucement, Geneviève… » Et il voulait que ce fût ce jour même : il avait hâte de repartir chez lui. « Je ne verrai clair que là-bas, dans mon pays. »

J’obtins tout de même qu’il demeurât trois jours. Il les passa, ces trois journées, caché dans un vieux moulin presque en ruines. Au soir tombant, je lui portais sa nourriture. Nous passions la nuit à parler. L’Homme restait aussi intraitable. « Je leur parlerai à tous avec douceur. Et ils croiront. » Quant à se demander s’ils pourraient vivre encore, l’Homme ne semblait pas y songer.