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PASSAGE DE L’HOMME

servir des choses. Nommer le dieu, c’est se servir du dieu. Le vrai Dieu, s’il en est un, n’est pas Celui qu’on nomme et qu’on appelle. Il est Celui qui est, et, devant Lui, nous ne sommes plus. Qui connaît Dieu, Geneviève, doit en mourir. »

Je dis doucement :

« Et avoir la vie éternelle ? »

Et l’Homme reprit :

« Tu as bien dit : oui, avoir la vie éternelle. Mais non point sa vie éternelle. »

Le feu mourait. Un vent violent s’éleva vers les minuit, venu du Nord. Je dis encore :

« Alors, il y a quelque espoir…

— Il y a tout espoir, Geneviève, pour celui-là qui vit sa propre vie. Il ne s’agit que d’être là, sérieusement là. Et de ne pas mentir. Il ne s’agit que de faire face.

— Est-ce que les autres comprendront ?

— Les autres ne comprennent jamais.

Chacun comprend à peine pour soi. Il n’y a rien à expliquer. On va son chemin. Mais il est possible, Geneviève, d’être courtois avec tous ceux qu’on quitte… »

Il se reprit :

« Courtois… plus que courtois, Geneviève, oui… vraiment bon. »

Je me rappelai alors le matin que l’Homme nous quitta. En dépit de toutes nos misères,