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PASSAGE DE L’HOMME

le Dieu des prêtres aussi : ce qu’il pesa, ce dernier Dieu, devant nos rêves, tu le sais bien ! Et je ne parle pas des autres petits dieux, du dieu Progrès, du dieu Machine, ni de toutes ces autres misères. »

Il se leva et s’en alla vers la fenêtre. Il appuya son front contre la vitre, et tapota du doigt un peu, et dit : « Je crois qu’il neige encore », puis revint s’asseoir près du feu.

« Voilà, Geneviève ! » et il essaya de sourire, mais je revins à ma question : « Dieu est-il mort ? » Il me semblait que l’Homme, là-dessus, avait encore des choses à dire.

« Geneviève, dit-il, je n’en sais rien. Tout ce que je sais, c’est qu’il faut vivre, c’est qu’il nous faut brûler nos dieux, tous les faux dieux, ceux qui nous ont été enseignés, ceux qui sont venus de nos rêves, du regard de nous-mêmes sur nous, de nos complaisances et de nos peurs. Il m’a fallu m’en aller vers les Iles pour savoir qu’il n’y a pas d’Iles ».

Il se tut un moment et, d’une branche de bois sec, il écarta les cendres d’un geste délicat, comme je lui avais vu faire autrefois.

« Au-delà de tous les faux dieux, et de cette grande désolation d’après leur mort, il est possible qu’il y ait Dieu. Je n’en sais rien. Mais alors, s’il y a Dieu, on n’en peut rien dire à personne. Nommer les choses c’est se