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PASSAGE DE L’HOMME

ne sait pas bien ce qu’ils pensent. Ni même s’ils pensent. Tous les projets qu’ils font, ce n’est pas pour l’année qui vient, ni pour dix ans, ni pour quinze ans, mais pour le temps d’après leur mort. Chez nous, il voulait dire : dans nos pays ; chez nous, on les prendrait pour fous. Et l’un d’entre eux, parfois, part pour les Iles. Il n’a rien dit à personne. Et il s’embarque, la nuit le plus souvent. De ceux qui se sont embarqués, personne jamais n’est revenu. En vivant près d’eux très longtemps, vous finirez par gagner leur confiance. Et vous saurez. »

« Nous ne parlons plus, Claire et moi, que dans cette langue. Il semble qu’elle soit une puissance par elle-même et qu’elle nous aide à découvrir les choses.

« Nous avançons à pied et petitement, par un pays de hautes montagnes. Nous rencontrons parfois des hommes, enveloppés dans leurs fourrures. Leur regard nous est étranger. Leur langue aussi. Mais si je parle la langue du vieillard, alors, bien qu’ils semblent ne pas comprendre, ils prêtent l’oreille, et ils sourient. Nous avons passé des nuits dans leurs huttes. Une fois même, nous nous sommes penchés avec eux au bord du puits où vit Celui-qui-est-sans-nom. C’est une cé-