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PASSAGE DE L’HOMME

roses au mur du presbytère, mais plus douçâtre… Non, vraiment, je ne peux pas dire… Cette nuit-là, il entra par la porte, ou plutôt à travers la porte, et il s’assit près du foyer. Et il parla, tournant le dos, sans jamais prendre garde à moi. C’était comme si je n’avais pas existé. Et il chanta encore, avant de s’en aller, d’une voix lointaine ; et, pareillement à l’autre fois, tout ce qu’il m’avait dit me devint lointain comme sa voix. Une chose est sûre, c’est qu’il parla de l’Homme. Et je crois bien, disait le Fossoyeur, je crois bien que c’est de l’Homme seulement qu’il a parlé ».

Le Fossoyeur racontait ça aux femmes. Les femmes le disaient à leurs hommes. Les hommes souriaient, en écoutant, pour la parade, mais tous avaient tellement souffert qu’ils ne savaient plus bien ce qu’il faut croire. Et quand ce fut Celui des Mares, le Chaoul, comme on l’appelait (et je n’ai jamais su pourquoi) quand ce fut le Chaoul qui se mit à parler, alors personne ne douta plus qu’il s’agît de choses bien certaines. Mais le Chaoul, vous ne savez pas qui c’est. Il était l’homme qui apporte les lettres. Il les allait chercher tous les huit jours, au bateau qui descend le Fleuve. Plus mécréant que le Chaoul, je n’en connaissais pas, ni plus hardi, ni plus blagueur. Il s’ivrognait