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PASSAGE DE L’HOMME

étaient tous vêtus de noir et qui marchaient avec une grande lenteur. À l’aube encore, une fois, passa un cavalier, et qui portait un étendard.

L’été fut traversé d’orages. L’odeur des fleurs était si lourde qu’on les avait comme en dégoût, et on se mit à arracher des roses au long des murs du presbytère. Jamais le Fossoyeur n’eut autant de mal avec ses tombes : « Je ne sais pas ce qu’ont les morts : on dirait qu’ils veulent remonter… » D’étranges odeurs douçâtres, aux fins de jour, venaient du cimetière. L’Idiot imagina de se vêtir d’une grande cape noire et de passer parmi les rues, la nuit tombée, sonnant une cloche et récitant le De Profundis. Huit jours après, à peine vêtu, il braillait les plus sales chansons et, s’arrêtant, hurlait : « À bas le Curé ! »

À la fin de cet été-là, la Mère mourut. Elle mourut au bord de la route, par un dimanche après-midi. Depuis des semaines, vers les cinq heures, elle s’en allait à la Croix Bleue, sur cette colline d’où l’on voit jusqu’au Fleuve. Et s’il fait clair, on voit le pays même, sur l’autre bord : des maisons vertes et bleues aux toits de tuiles et de petites maisons de bois perdues dans l’herbe, et très au loin, et toute brumeuse, la basilique de la Grand’Ville.