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PASSAGE DE L’HOMME

On brûla donc les Choses des Iles, celles qui restaient, que j’avais cru détruites déjà, et assurément les plus belles. C’était le soir. Depuis le matin une petite pluie tombait, si tiède qu’on se serait cru au printemps. Tout le village était rassemblé là. L’Idiot était au premier rang, secoué par un horrible tic. La Mère avait voulu venir : « Ils vont brûler les Choses des Iles ? J’irai voir ça. Dis, quelle flamme cela va nous faire ! » Le long de la route, elle avait été joyeuse comme un enfant, et impatiente : « Est-ce que nous arrivons bientôt ? Est-ce qu’il y aura beaucoup de monde ? Et l’Homme, pourquoi est-il parti devant ? Et le Père, donc, toujours en retard, toujours traînant, comme d’habitude ! » Et maintenant, elle était là, et elle ne regardait même plus ce qui se passait. Ses yeux allaient de l’un à l’autre comme si elle n’eût reconnu personne. Le Fossoyeur jeta les « Choses » sur de la paille sèche. Il évitait de les tenir longtemps, et parfois les poussait du pied. Il alluma. La nuit était presque tombée. Les « Choses » brûlèrent. Personne ne dit un mot. Personne ne croyait plus à rien.

L’Idiot s’en revint avec nous. Je ne sais plus bien ce qu’il me raconta, mais une chose m’est restée tout de même, à quoi d’abord je