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PASSAGE DE L’HOMME

ce quelqu’un qui m’emmènerait aux Iles.

L’Idiot s’en venait nous voir parfois. Le plus souvent c’était le dimanche, après les vêpres. J’avais fini par le comprendre un peu, et la curieuse façon dont il disait les choses, passant de l’une à l’autre, comme si aucune ne fût vraiment sérieuse, me parut bientôt presque sage. Le Fossoyeur aussi venait parfois pour un bonjour. Quand il était assis, il regardait singulièrement ses mains, et les sentait, et il parlait des Morts comme si, pour lui, ils avaient toujours été morts. « Le Vieux des Rives était si lourd qu’il fallut le porter à quatre ; et pas bien commode à descendre, comme vous pensez ! Il résistait. Enfin, il s’est tenu tranquille, et à présent il ne nous donne ; aucun ennui. Mais tous les Morts ne sont pas sages. Il y en a qui ne sont pas bien là où ils sont. Et qui s’agitent. Et la terre s’effondre sur eux, et, un beau jour elle se fend et elle s’ouvre, et, par les trous, on voit jusqu’au cercueil. »

Le Fossoyeur habitait à l’entrée du cimetière. Il connaissait les Feux de la Nuit, les Feux dansants. Il les avait vus bien des fois.

« Alors la nuit a une odeur à part… Je ne saurais pas vous dire au juste… Et, le matin d’après, on est sûr qu’il fait beau. » Il par-