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PASSAGE DE L’HOMME

maison même, il avait quitté le pays, et Dieu, sans doute, aurait maintenant pitié. Et s’adressant soudain à moi : « Ma fille, de toi aussi Dieu peut avoir pitié. Mais il faudra t’humilier et reconnaître devant nous votre péché. Moyennant quoi la vie te deviendra possible. Sinon… Sinon il est écrit qu’il ne doit point y avoir de pitié pour l’endurcissement. Que personne — il regarda tout autour de lui — que personne ne lui parle. Pas même pour la condamner. Qu’elle soit comme une étrangère au milieu de nous jusqu’à ce qu’elle ait décidé de réparer ! »

Ils s’en allèrent, je restai la dernière. Marie la Carrière me regarda, un court moment, mais il y avait dans ses yeux plus d’effroi que de compassion, et le Fossoyeur ne me parla que lorsqu’ils furent tous partis. Ce fut pour dire qu’il n’y avait rien d’autre à faire que de se soumettre, que, même si ce n’était pas mon idée, il me fallait m’y résoudre pour la Mère, que notre vie, autrement, allait devenir impossible. Plus tard, si l’Homme revenait jamais — quant à lui, il n’y croyait guère — plus tard, on pourrait vivre selon son cœur. À présent il fallait obéir, prendre patience, mentir peut-être, afin qu’il y ait moins de peine pour les uns et pour les autres. Il parlait en faisant tomber la terre,