Page:Grout - Passage de l'homme, 1943.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
PASSAGE DE L’HOMME

vai devant l’Église : le porche en était grand ouvert, des cierges brûlaient tout au fond, on chantait le Dies Irae. Une mort encore, et de cette étrange maladie… Je m’approchai et distinguai, tout près du chœur, non pas ce cercueil que j’attendais, mais trois cercueils, l’un à côté de l’autre. Je me tenais à la grille du vieux cimetière : on n’enterrait plus là depuis plusieurs années. Je vis se préparer lentement, après l’absoute, et avancer vers moi la triste procession. Et je ne pouvais faire un mouvement. Le prêtre alors me regarda, d’un regard de feu, comme si j’eusse été une sorcière. Les trois cercueils passèrent lentement, et je baissai les yeux quand ils passèrent, et je fis le signe de la croix, par habitude. Mais quand ils furent passés, je ne pus que regarder l’un après l’autre, et bien doucement, tous ceux dont je n’avais pas vu le visage depuis deux ans, et je me joignis aux derniers, ou plutôt je marchai derrière eux.

Quand, au cimetière, les prières furent dites, et que les trois corps eurent été descendus dans la fosse, le prêtre parla. Il dit, et ses yeux durs me fixaient cruellement, que la justice de Dieu était en marche, qu’il le savait, qu’il ne fallait que regarder aux signes. Le Maudit avait été frappé dans sa