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PASSAGE DE L’HOMME

ses yeux, bien qu’il continuât de sourire. « Mère, j’aurai soin de votre fille. Je vous promets que j’aurai soin. Et nous reviendrons. Et peut-être que vous serez là encore, et je vous emmènerai aux Iles. » La Mère les regardait tous deux. Jamais je ne l’avais vue si calme. « Mon fils, dit-elle, — c’était la première fois qu’elle l’appelait ainsi — quand vous reviendrez, je ne sais pas si je serai encore là, mais même si je ne suis pas là, il faudra vous dire que vous êtes partis d’ici tous les deux avec mon plein consentement… » Elle leva la tête (elle la tenait, maintenant, le plus souvent courbée) et ajouta, les regardant droit dans les yeux : « J’ai de la joie à vous voir partir… Vous saluerez pour moi les Iles… Et puis… » Elle fit le geste de s’en remettre à Dieu, pour toutes les choses qui devaient suivre.

Nous ne dormîmes pas cette nuit-là : il y avait, avant le départ de l’Homme, de nombreuses affaires à régler. Il fallait se soucier de la ferme, et de notre vie à toutes deux. Il fut décidé qu’on donnerait les terres à « faire valoir », et qu’on vendrait les bêtes, — sans doute à misérable prix — mais rien d’autre n’était possible. La Mère et moi, nous resterions à vivre ici, d’un petit élevage et du jardin. « Et quand Geneviève se mariera… »