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mes mémoires

étrangère eût obtenu pareil succès, en un pays latin, si, il y a vingt ans, au lieu de la combattre par le ridicule ou de vaines paroles, on lui eût opposé quelque chose de solide et de concret… ? [Évidemment je visais les Knights of Columbus.]

Craignons, disais-je, le retour de la même aventure avec le scoutisme si notre tactique ne varie point.

Naïvement je me flatte même qu’un scoutisme bien canadien-français préservera la jeune génération de l’engouement de ses aînés pour les clubs neutres et pour la folichonnerie des Knights of Columbus :

Ne serait-ce de notre part qu’une illusion ? Il nous semble qu’ayant pris, dès la première adolescence, le goût d’associations calquées sur son esprit et son caractère, qu’en ayant éprouvé la haute vertu éducative, le jeune Canadien français serait mieux protégé que ses aînés contre les importations équivoques et malsaines. L’on va moins facilement à la bouffonnerie et à la sottise quand on a été discipliné par le bon sens.

Toujours confiant malgré tant de déceptions, je continue :

Il reste, cela va sans dire, que le scoutisme canadien-français n’aura rien à faire avec le scoutisme officiel, d’origine et d’esprit anglo-protestants ; qu’il n’empruntera même qu’à bon escient au scoutisme catholique de France. La terrible crise d’anglomanie qui sévit là-bas, rend nos cousins par trop inattentifs à leurs importations d’Outre-Manche.

… Oui, exigeons toutes ces conditions. Mais ne nous laissons pas voler notre jeunesse.

Au début de la nouvelle œuvre, tout parut marcher on ne peut mieux. Nos nouveaux scouts porteront d’abord un nom bien à eux : ils s’appelleront les Éclaireurs canadiens-français. L’Action française d’octobre 1926 (XVI : 220-224) publie leur loi. En plusieurs articles cette loi s’affirme originale, adaptée à la jeunesse qu’elle doit régir ; elle offre des variantes considérables avec celle des Anglais et même des Français et des Belges. Un collaborateur, qui signe Jean Tavernier, revient à la charge :

Nous réprouverions des tentatives qui ne se préoccuperaient pas suffisamment d’adapter les pratiques du scoutisme aux habitudes et aux aspirations de nos compatriotes.