Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
mes mémoires

Aux côtés de Lactance, si intelligent, mais de complexion nerveuse si fragile, voici sa sœur Marie-Azélie, la future mère d’Henri Bourassa. La cadette des filles de Papineau est née le 31 août 1835. Il semble qu’elle ait été un amour d’enfant, singulièrement intelligente. Elle excelle en tout. Lactance raffolait de sa jeune sœur. Pour lui, il l’écrit à son père à Paris, Azélie est « destinée à faire l’ornement de la famille et de la société, et à élever une famille comme il serait à souhaiter qu’on les formât dans dix ou vingt ans d’ici » (Corr. IX : 153). Le même décrit avec complaisance les succès d’Azélie au Couvent de Saint-Jacques-de-l’Achigan, chez les Dames du Sacré-Cœur où on vient de la conduire :

Ses maîtresses en sont contentes sous tous rapports ; elles disent qu’elles n’ont pas encore eu de talent aussi remarquable pour le piano ; que ses succès dans toutes les branches vont probablement la faire passer, dans peu de mois, dans une classe plus avancée (Corr. IX : 146-147).

Un tableau de Plamondon nous montre la petite Azélie à l’âge de quatre ou cinq ans, prenant une leçon de piano de sa mère. La fillette est habillée d’une robe crinoline, courte, au genou, à manches bouffantes ; un pantalon à la turque lui descend jusqu’à la cheville. Rumilly, à qui j’emprunte cette description, ajoute : « On dirait d’un costume fait pour jouer la comédie. » Costume qui ne lui sied pas si mal. Car l’enfant paraît avoir été terriblement espiègle, d’un caractère difficile, mais elle a du caractère. Elle n’a pas pour rien son petit air mutin. Sa mère l’a dit : « Enfant remplie de talent, mais vive et passionnée, assez difficile à élever. » Le couvent parut apprivoiser la petite frondeuse. C’est encore sa mère qui lui rend ce témoignage :

Elle fait des progrès en tout. Elle devient douce, se conformant à tout le règlement avec plaisir. Ces dames l’aiment ainsi que ses compagnes et elle est heureuse. Elle apprend aussi à avoir de la force de caractère. Elle m’a dit : Maman, puisque c’est pour mon bien, je vous promets d’être raisonnable et je prends la détermination d’y rester trois ans. Et elle l’a fait. Elle n’a pas pleuré en y entrant (Corr. IX : 161).