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I

HENRI BOURASSA

Pourquoi insérer ici mes souvenirs sur Henri Bourassa ? Deux ou trois fois peut-être, je ferai allusion plus loin à diverses causes qui pouvaient expliquer la disparition de l’Action française : lassitude des esprits les plus éveillés et les plus dévoués, et quelquefois, plus et pire que la lassitude, une désorientation soudaine et presque le découragement. L’incomparable éveilleur que fut Henri Bourassa aurait-il connu lui-même cette courbe ? Serait-il celui-là qui, plus que tout autre, quoique pour de très nobles motifs, aurait jeté le désarroi dans l’âme de toute une génération ? Ces pages que je vais écrire le diront peut-être. La dissertation sera longue. Le sujet l’exige. En ces recherches sur l’esprit et la psychologie d’un tel homme, force est bien de se ménager de la perspective.

Mes premiers souvenirs

Mes souvenirs sur Bourassa remontent à mon temps de collège. J’avais, pour camarade de classe, un jeune Hurtubise (Joe), fils d’un hôtelier de Montebello. Avec enthousiasme, il nous parlait du jeune maire de son village élu en 1890, à l’âge de vingt-deux ans : merveille oratoire de sa région. Ce camarade nous apprenait autre chose : le jeune maire était le petit-fils de