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troisième volume 1920-1928

toine Albalat, L’Explication française de Gustave Rudler, La Clarté française de Vannier, etc. Il me promet de suivre mes conseils. Sur ce, je lui promets, quant à moi, de lui ouvrir les pages de L’Action française s’il m’apporte quelque article bien troussé. Encore un collaborateur que je devrai à mes cours d’histoire, tellement, à l’époque, ce réveil historique pourtant bien modeste mais attendu depuis si longtemps, émeut la jeunesse. Dans une de ses premières lettres (5 novembre 1919), Léo-Paul Desrosiers, alors à Québec, m’en fait l’aveu ingénument :

L’annonce de vos cours à l’Université m’a ramené à bien des regrets, à bien des souvenirs, ces jours-ci. Autrefois, dans un coin de la salle, je pouvais suivre, avec tant d’émotion, toutes les leçons que vous donniez, de fierté, de patriotisme, d’éloquence et de travail. Points de départ d’exaltations saines et effervescentes qui nous grisaient pendant des heures.

L’article « bien troussé » ne se fait pas attendre bien longtemps. Le jeune étudiant me l’apporte au début de 1919. « La nationalisation de notre littérature par l’étude de notre histoire » paraît dans la livraison de février de L’Action française. Je l’ai fait précéder de ces quelques lignes en italique :

L’Action française publie cette étude avec plaisir — pour sa valeur intrinsèque et comme témoignage de l’état d’esprit d’une partie, tout au moins, de la jeune génération.

Le jeune collaborateur s’y révèle déjà, avec quelques-uns de ses magnifiques dons d’écrivain. Il a mis à profit les lectures que je lui ai conseillées. Modeste, il n’en fait pas mystère. En cette même année 1919, me renvoyant un livre que je lui ai prêté, il m’écrit :

Je vous remercie sincèrement de tout ce que vous avez eu la bonté de faire pour moi, des encouragements que vous avez eu la bonté de m’accorder, de votre protection et de vos conseils. Ils m’ont été bien utiles et bien profitables : veuillez croire que ce sera le bon souvenir de ma vie.

Il a le talent. Le progrès, en sa manière d’écrire, s’affirme rapide. Longtemps toutefois il se soumettra à la correction et ne voudra rien publier que je ne l’aie revu. Encore en 1928, à propos d’un portrait de l’honorable Rodolphe Lemieux qu’il destine à L’Action française, il insiste :