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s’exposer, et ces jeunes gens le savent, à de dangereuses représailles. Alors ne vaudrait-il pas mieux se taire, renoncer, pour le moment, à toute collaboration à l’œuvre montréalaise ? À Québec, leurs meilleurs amis leur conseillent le silence, l’inaction temporaire. J’approuve moi-même cette tactique. Je ne vois pas d’autre issue. Toutefois et contre toute attente, voici apparaître un calme relatif. Au sein de l’ACJC des réactions courageuses se produisent. Dans La Voix de la Jeunesse catholique, « organe du Comité régional québecois » de l’Association, des mises au point vigoureuses font voir l’odieux de cette guerre intestine livrée à une œuvre d’aînés et si proche, par ses fins, de l’œuvre des jeunes. Dans son no 47, le même petit journal, par la plume de Louis-Philippe Roy, e.e.m., indique, une fois de plus, les distinctions évidentes entre les deux œuvres. Les Cercles de l’ACJC, y lit-on, ne sont d’aucune façon des « succursales de l’Action française » ; d’autre part, La Voix souligne de nouveau, entre les deux œuvres, les points de rencontre, les buts communs, et pour conclure :

N’est-il pas plus sage pour des frères de même religion et de même nationalité de combattre sur les mêmes champs au lieu de lutter sur des terrains divers quand le drapeau est le même, les intérêts et les droits défendus également chers à tous ?

Dans L’Action française (mai 1924 : 319-320), je crus bon d’y aller moi-même d’une autre mise au point. Donc, à l’adresse de ces petits Québecois, « très peu nombreux qui ne touchent à L’Action française que comme à un explosif », je rappelai le récent article de Louis-Philippe Roy, qui, me semblait-il, avait réglé une fois pour toutes « qu’on pouvait lire L’Action française, même dans les Cercles de l’A.C.J.C., sans le danger de perdre son âme ». Et « pour éclairer un peu la religion de ces candides adolescents », je continuais, démasquant les véritables auteurs de cette querelle :

Disons pourtant, entre parenthèses, que nous ne sommes pas si naïfs que d’ignorer les intentions véritables de cette petite