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D’ailleurs eût-il été entaché, à sa naissance, du moindre vice d’illégitimité, le gouvernement instauré par Riel se justifierait en droit, parce que reconnu comme un gouvernement de fait. Il fut reconnu, dans l’ouest, par la population française, par les Métis de la colonie écossaise, par la totalité ou presque des paroisses de langue anglaise, par le clergé anglican, par la compagnie de la Baie d’Hudson. Il fut confirmé, dans ses pouvoirs, avons-nous dit, par la convention nationale assemblée à Fort-Garry. Il fut encore reconnu par le gouvernement d’Ottawa qui lui envoya des délégués et qui reçut ses délégués. La prétention de Sir John-A. MacDonald que les autorités fédérales n’acceptèrent jamais de négocier avec le gouvernement de Riel, mais avec la convention de Winnipeg, n’est que mauvaise argutie, puisque la convention, suscitée, convoquée par le gouvernement provisoire, n’en était que l’un des organes. Notons-le au surplus. MacDonald et ses collègues ne commencèrent à faire les difficiles sur ce point que le jour, à vraiment parler, où se posa la fameuse question de l’amnistie. Eût-il eu besoin d’un supplément de justification, ce supplément, le régime de 1869-1870 au Manitoba l’eût obtenu, nous le verrons, par le plein succès qui vint couronner ce soulèvement de prétendus rebelles. Un seul reproche plausible a pu être adressé au gouvernement provisoire : l’exécution d’un prisonnier coupable d’agissements provocateurs et de révolte contre l’autorité constituée. Exécution impolitique, peut-on penser, mais dont Sir Georges-Étienne Cartier, alors ministre de la milice et ministre intérimaire de la justice, pourra dire dans un mémoire secret au gouvernement impérial (8 juin 1870) que ni un jury manitobain formé selon les lois du pays, ni même un jury d’Angleterre n’y eussent trouvé motif à condamnation contre Riel et ses associés.

— II —

Ici l’historien se défend mal d’un peu de stupéfaction. Par quel hasard des faits aussi simples et naturels, et, par certains côtés, d’une incontestable grandeur, ont-ils pu subir de si extraordinaires déformations ? Et par quelle autre aventure, l’homme qui a joué, à l’époque, sur la scène