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aux coutumes antiques de son peuple, au moment des alertes ou des guerres contre les sauvages. Et cette autre alerte ou nécessité de salut public, Riel n’eut pas à l’inventer. Sans perdre de temps, il lui fallait parer à l’impuissance du gouvernement de la Baie d’Hudson pratiquement tombé en quenouille, empêcher par conséquent le pays d’être livré à l’anarchie. Il lui fallait parer au pillage des terres de ses frères, s’opposer aux tentatives criminelles d’agents du gouvernement encore étranger d’Ottawa, qui, déjà en sous main, fomentaient et préparaient la guerre, « pour leur propre compte », « sans autorité légale », dira Cartier. Des complots allaient s’ourdir, pour soulever Métis anglais contre Métis français et pour engager même les tribus sauvages dans ce qui devait être une « lutte à mort ».

Disons-le en passant : encore que d’aucuns y aient vu un régime militaire, rien de plus démocratique que le gouvernement institué sur les bords de la Rivière-Rouge, à l’automne de 1869 : gouvernement issu du peuple et qui se tient tout près du peuple, qui l’admet à délibérer, et qui sera solennellement confirmé dans ses pouvoirs par le vote unanime d’une convention de quarante délégués élus par l’assemblée de la nation. Au reste, la légitimité de ce pouvoir n’a jamais été sérieusement contestée. Il ne se dresse contre aucune autorité existante. Il ne bouscule rien ; on peut même dire qu’il ne se substitue à rien. Au sentiment de Cartier, dès après la proclamation de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, « il n’existait guère d’autorité ou gouvernement local (à la Rivière-Rouge), que la volonté et la détermination des colons eux-mêmes ». Encore au sentiment de Cartier qui l’a écrit au gouvernement impérial, aucun sentiment d’opposition « n’a existé (au Nord-ouest) en aucun temps, avant ou pendant les troubles, contre le pouvoir souverain de la Reine, ni même contre l’administration politique de la Baie d’Hudson ». Le gouvernement de Riel ne s’oppose qu’à l’établissement de l’autorité canadienne, dans les Territoires. Encore ne prétend-il le faire que de façon temporaire. Son seul titre de « gouvernement provisoire » dit assez le simple rôle de transition qu’il s’assigne entre l’ancien et le futur état de chose.