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frontières, le gouvernement provisoire s’est vu offrir, sans compter troupes et armes, une somme de quatre millions, assure Mgr  Taché. Contre le droit des gens, les délégués du gouvernement provisoire viennent d’être arrêtés à Ottawa. Nouvelle et impardonnable provocation. En dépit de tout, la somme offerte par les Américains n’eut pas de quoi tenter le chef des prétendus « rebelles » de Fort-Garry. Lors de l’incursion des Féniens, le clergé, les autorités manitobaines ont requis sa collaboration. Aller combattre l’envahisseur, c’est, pour lui, il le sait, prendre le risque de se faire tirer dans le dos, par d’irréconciliables ennemis, ceux-là même pour qui il ira exposer sa vie. Le chef éloquent n’en parcourt pas moins les paroisses françaises et gagne ses compatriotes à la cause de la Couronne. Un jour de janvier 1872, Ottawa lui fait offrir de l’argent pour l’engager à quitter le pays. « Si je pars », répond à son évêque cet homme pauvre, « mes amis diront qu’on m’a acheté. Je ne suis pas sur le marché ». Et il ajoute non moins fièrement : « De plus, je suis sans ressources pécuniaires, et je n’accepterai pas de faveur du gouvernement canadien tant que toutes nos difficultés ne seront pas réglées. » Pendant qu’on le considère et qu’on le traite comme un brandon de discorde, un agitateur à mettre hors la loi, quels sacrifices cet homme magnanime n’a-t-il pas consentis à la cause de la paix au Canada et dans sa province ? Pour permettre au gouvernement d’Ottawa de faire ses élections de 1872 en toute tranquillité, il accepte l’exil volontaire. La même année, candidat dans Provencher, il s’efface généreusement devant Sir Georges-Étienne Cartier qui peut ainsi racheter sa défaite de Montréal-Est. En retour de ces sacrifices, que demande-t-il ? Rien pour lui-même, — pas même l’amnistie — mais seulement la reconnaissance des droits de ses frères Métis à leurs terres du Manitoba. En revanche, les hommes d’Ottawa — les libéraux cette fois — exigeront de lui un nouvel exil. Élu deux fois député de Provencher, on le force à se désister de ses droits de citoyen et de sujet britannique. On laisse une cour manitobaine, de juridiction plus que douteuse et par une procédure encore