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a-t-il déclaré, « d’être assez explicite pour que mon discours amenât forcément sur le tapis la question dont la population de l’Ontario s’est tant occupée. Le paragraphe relatif à l’incursion fénienne a été rédigé dans le but de provoquer une critique et une réponse catégorique ». Or quelle fut la réponse de la Chambre de Winnipeg ? Un vote unanime accepta, ratifia tous les paragraphes du discours du trône. C’est après ce vote que, dans sa lettre du 20 janvier 1872 à l’honorable Joseph Howe, lettre dure, très dure, le lieutenant-gouverneur Archibald administra au Secrétaire d’État pour les provinces, cette sévère leçon où presque tous les mots sont à souligner : « Il me semble que la population ici doit être le seul juge de l’administration de ses affaires. En tous cas, il devra en être ainsi tant qu’elle aura des institutions représentatives… Si alors vous ne pouvez punir sans désavouer le gouvernement constitutionnel, quelle est donc l’utilité d’appeler ces gens-là des proscrits ? Selon moi, vous devez ou révoquer le gouvernement responsable ou admettre que vous ne pouvez remonter dans le passé pour punir des offenses dans lesquelles la moitié de la population se trouve impliquée, et qui ont été commises avant l’octroi du gouvernement responsable ». « À moins de « vouloir cueillir des raisins sur des épines et des figues sur des chardons », reprenait encore Archibald, « vous pourrez difficilement agir selon le gouvernement responsable en condamnant à la mort les chefs d’une majorité des électeurs. »

Mais voilà qui pose toute la question de l’incursion fénienne. Traitons-la en quelques mots. À qui connaît un peu la géographie manitobaine, il n’échappe point que les Métis de langue française détenaient sur la Rivière-Rouge, au sud de Fort-Garry et entre le fort et la frontière américaine, une position stratégique de première valeur. Reliés par un chemin direct à l’établissement français de Saint-Joseph au-delà de la frontière, ils tenaient dans leurs mains, en cas d’invasion, la clef du pays. Se portaient-ils au devant de l’envahisseur, ils jetaient dans la balance le lourd poids d’une force décisive. Archibald le comprit. Les troupes de