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L’APPEL DE LA RACE

goût fort douteux, le tout entre des tentures et des laques de couleurs trop sombres.

Quelques instants plus tard, chacun se trouvait à son poste. Au centre, les deux joueurs penchés silencieusement sur leur échiquier se laissaient absorber par leurs combinaisons. Duffin qui ne pensait plus guère au débat de tout à l’heure, les mains appuyées au bord de la table, le buste penché, suivait fébrilement les manœuvres de Maud. Celle-ci, encore pâle, jouait serré, pour dériver vers cet effort, la tension aigüe de ses nerfs. Nellie, son tricot à la main, suivait distraitement le jeu de sa mère. Lantagnac, installé dans un coin du salon, près d’un petit cabinet, écrivait. C’est là que, depuis quelque temps, il aimait à expédier ses travaux urgents, à demi mêlé à la vie de sa famille. Virginia était venue s’asseoir près de lui et lisait, sous la lampe de son père, La Barrière de René Bazin.

Lantagnac rédigea d’abord une lettre très courte, qu’il relut soigneusement. D’une main ferme il la signa, la fit voir un instant à Virginia qui sourit en jetant sur son père un regard de rayonnante fierté. Puis, de sa haute et droite écriture, il adressa le document : À l’honorable sénateur Joseph Landry, le Sénat, Ottawa, et sonna un domestique :

— Tenez, appuya-t-il, par messager spécial, et n’oubliez pas.

Alors, adossé à son fauteuil, un énorme dossier à la main, lentement il en déroula les pages.