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L’APPEL DE LA RACE

de courte durée. Tout à coup il vit la figure de Duffin s’empourprer ; ses yeux s’enflammèrent et sa voix, voix sourde que l’accent d’une haine à peine cachée rendait tragique, proféra lentement cette menace :

— Eh bien, non ! il ne sera pas dit que les Franchies de l’Ontario ou du Québec mèneront tout à leur guise en ce pays. Qu’ils y prennent garde ! S’ils continuent, moi qui vous parle, je vous en avertis : je me jetterai dans la lutte et je ne serai pas seul.

Devant cette riposte imprévue Lantagnac sentit tout son sang lui monter à la face. Son cœur battit plus fort. Une résolution subite raidit sa volonté. Relevant le défi, il jeta ces courtes phrases à l’Irlandais :

— À votre aise, Monsieur ; si vous y allez, dans la lutte, vous m’y trouverez. On attend un candidat dans Russell ; ce candidat, j’ai bien l’honneur de vous l’annoncer : ce sera Jules de Lantagnac.

Lantagnac avait parlé, les yeux rivés sur ceux de Duffin. Quand il eut fini, et qu’il regarda autour de la table, il s’aperçut que Maud avait pâli, au point de se trouver presque mal. Nellie, pâle, elle aussi, roulait fiévreusement sa serviette. Virginia triomphait intérieurement, mais par égard pour sa mère et sa sœur dont le changement de figure ne lui avait pas échappé, gardait le silence. Quant à Duffin, il semblait que la honte l’eût pris de ce mouvement de vio-