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LE CHOC SAUVEUR

ce ne soit à l’écroulement de la confédération canadienne.

— Oh ! si peu que cela, railla Duffin.

— Mais si, continua Lantagnac. Et c’est où les persécuteurs ontariens manquent étrangement de la plus élémentaire clairvoyance. Qu’ils le sachent : on ne joue pas impunément avec les luttes de races dans un pays. Toute justice blessée prend sa revanche qui souvent est formidable. On ne fait pas impunément des victimes. Vous, fils de l’Irlande, devriez le savoir mieux que personne. Il vient un temps où les esprits droits, les hommes justes, fatigués d’entendre parler d’oppression, plus fatigués d’en voir le spectacle, se soulèvent unanimement, créent ce qu’on appelle l’opinion publique et obligent les persécuteurs à rentrer sous terre. Ou bien la persécution croit triompher. Mais elle triomphe en se ruinant elle-même. L’injustice une fois entrée dans les mœurs et devenue la loi des esprits, c’est la ruine de l’autorité, par le mépris : autant dire des premières assises de l’État. Prenez-en ma parole, Duffin ; nous l’emporterons dans Ontario, ou les persécuteurs ruineront la confédération.

Lantagnac avait prononcé ces dernières paroles avec énergie et solennité. Il se demandait quelle serait enfin la réponse de son beau-frère. À vrai dire, il croyait l’avoir singulièrement troublé dans ses convictions. À bout de répliques, l’Irlandais ne trouvait plus qu’à railler ou à gambader. Mais l’illusion de Lantagnac fut