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ÉCHEC ET TRISTESSE

la transition ? Que n’ai-je pas fait plutôt pour la lui rendre déconcertante, presque impossible ? En rompant avec les miens, dès avant mon mariage, en renonçant, ici-même, à toutes mes relations françaises, ne l’ai-je pas rejetée fatalement vers les siens, livrée sans défense à l’esprit anglo-saxon ? Puis, pourquoi me le cacher ? j’ai été heureux avec mademoiselle Fletcher, mais d’un bonheur qui connut vite ses frontières. On aura beau dire : la disparité de race entre époux limite l’intimité. Si l’on veut que les âmes se mêlent, se reflètent vraiment l’une à l’autre, il faut que d’abord existent entre elles des affinités spirituelles parfaites, des façons identiques, connaturelles de penser et de sentir. Ne le sais-je pas trop ? À cause de nos diversités, il y eut tout une partie de ma vie intérieure où je restai impénétrable, isolé. Il en fut, sans doute, de même pour Maud. La mère, chez elle, dut consoler l’épouse. Je lui abandonnai l’éducation de mes enfants ; elle-même, elle seule choisit le collège pour mes fils, le couvent pour mes filles. Mais alors ce qui devait arriver n’est-il pas arrivé ? Maud entendit posséder plus pleinement ce que je lui abandonnais. Ses enfants furent le tout de sa vie. Et faut-il m’étonner maintenant, si après qu’elle a régné en ce domaine, en maîtresse omnipotente et si longtemps, elle s’étonne à son tour, elle souffre même cruellement de mes interventions soudaines ?… Oui, reprenait alors Lantagnac, pour la centième fois, oui, dans la