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VERS LA CONQUÊTE

La fanfare dont on se rapprochait, exécutait en ce moment un pot-pourri de chansons canadiennes. Bientôt l’on aperçut, le long des îles, des religieux en canots, disséminés çà et là, avironnant doucement, cherchant, sans doute, les points de la solitude où les échos résonnaient le mieux. Juste en face, au creux d’une anse profonde, un génie moqueur semblait reprendre, l’un après l’autre, comme un mime incomparable, les sautillants refrains : À Saint-Malo beau port de mer… Derrière chez nous y-a-t-un étang… En roulant ma boule… et enfin la langoureuse mélopée : Perrette est bien malade

— Quelles jolies choses que ces airs-là ! s’écria, ravie, Madame de Lantagnac.

— Ce sont de vieilles chansons québecquoises, dit Wolfred ; je les reconnais maintenant. Au Loyola, la grande joie de nos camarades canadiens-français était de nous les chanter.

— Si vous saviez comme on les chante joliment à Saint-Michel ! ajouta Lantagnac, que les vieilles ballades ramenaient à son pèlerinage.

Ce fut alors un intermède assez long. Comme le soir s’achevait, que, là-bas, derrière les monts, le feu du soleil, tout à l’heure rouge, s’éteignait dans une pâleur de cierge, les cuivres entonnèrent soudain avec ensemble le chant final : Ô Canada terre de nos aïeux ! À ce moment, le génie léger de l’anse profonde se tut. On eût dit que la voix des hauts sommets se fut réservé de se faire entendre. À mesure que l’air apportait une