Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
L’APPEL DE LA RACE

le fondateur de la Nouvelle-France. Cette vision dans ce paysage, ce Champlain armé de son astrolabe, pour marquer aux siens la route des grandes conquêtes, paraît à Lantagnac un symbole qui corrige le premier, une prédication d’espérance.

— Quelle belle race énergique que celle des Français de jadis ! se dit-il. Ceux-là n’avaient besoin que d’un astrolabe ou d’une boussole pour aller au bout du monde.

D’un pied plus léger il se hâte vers la rue Wilbrod où, depuis dix ans, il habite, presque en face de l’église Saint-Joseph. Le réconfort qui lui est venu du monument de Champlain, ne l’empêche point cependant de se livrer, chemin faisant, à l’étude de son terrain d’action.

— Tout à l’heure, médite-t-il, je m’en vais rentrer chez moi, avec une âme changée, retournée. C’est un homme nouveau, entièrement neuf que je ramène à ma femme, à mes enfants. Cependant personne ne sait parmi les miens ; personne ne se doute. Personne ne doit même se douter. Si je dois conquérir mes enfants, ne faut-il pas que ce soit à leur insu, à l’insu de leur mère surtout. Ah ! leur mère…

Lantagnac sent de nouveau s’éveiller toutes ses inquiétudes.

— Leur mère ! répète-t-il, toujours angoissé, leur mère voudra-t-elle me laisser agir ? En mon zèle si nouveau pourra-t-elle ne pas voir une révolution menaçante, un effort déguisé pour lui ravir la direction intellectuelle de ses enfants ? Et si la pensée, la crainte de cette dépossession