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LE COIN S’INTRODUIT

fer est entré en vous ; il achèvera son œuvre, malgré vous s’il le faut.

Et comme l’avocat paraissait attendre une explication, l’oblat reprit :

— Vous êtes-vous jamais demandé, Lantagnac, le pourquoi de ces conversions, de ces retournements de vie comme le vôtre qui s’accomplissent vers la quarantaine ? Voici ma théorie à moi, que j’appelle : la théorie du coin de fer. Je me dis que la personnalité psychologique, morale, la vraie, ne saurait être composite, faite de morceaux disparates. Sa nature, sa loi, c’est l’unité. Des couches hétérogènes peuvent s’y apposer, s’y adapter pour un temps. Mais un principe intérieur, une force incoercible pousse l’être humain à devenir uniquement soi-même, comme une même loi incline l’érable à n’être que l’érable, l’aigle à n’être que l’aigle. Or, cette loi, qui ne le sait ? agit plus particulièrement quand l’homme s’achemine vers ce que Dante appelle « le milieu du chemin de la vie ». Si l’homme est pétri de bonne argile, si la personnalité foncière est vigoureuse, c’est pour lui l’instant, unique, c’est le moment de la maturité où il se décide à posséder l’intégrité de ses forces, où il cherche à unifier sa pensée et son être moral. Alors, attention ! C’est aussi l’heure du coin de fer. La moindre circonstance, un incident, une parole, un rien l’introduit au point de soudure du tuf humain et des couches d’emprunt. L’effet est rapide, soudain. Les couches, les apports étrangers volent en éclats. La personnalité se libère. Et l’homme