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L’APPEL DE LA RACE

rection. Le mal, Lantagnac, n’est pas de sortir de la profession de ses pères ; c’est de s’en évader. C’est d’en sortir, non pour une ascension, mais pour une désertion.

— Je veux bien, dit l’avocat ; mais si les miens avaient choisi d’être des nomades, comme j’ai fait ; si au lieu de prolonger pendant un siècle et demi cette lignée de laboureurs, ils avaient changé d’air et de métier à chaque génération, c’est l’évidence même, mon Père : ni à Saint-Michel ni peut-être ailleurs, il n’y aurait de Lantagnac ni de Lamontagne. Comme tant d’autres familles de noblesse canadienne et comme tous les corps désorbités, que serions-nous depuis longtemps ? Une poussière emportée aux quatre vents.

Une conviction toujours plus forte passait dans la parole du pèlerin de la petite patrie. À ce moment de son discours il se leva. Debout, les mains légèrement posées sur les hanches, le buste fier, toute sa personne bien dégagée, attitude familière à l’orateur chaque fois que, sous l’empire d’un sentiment élevé, il laissait jaillir la pleine loyauté de son âme, Jules de Lantagnac dit, les yeux portant haut, fixés sur un but noble et lointain :

— Ce n’est pas tout, Père ; là, dans le cimetière de Saint-Michel, sur les tombes de ma famille, j’ai pris une solennelle résolution. Vous dirai-je laquelle ?

— Dites ; se hâta de répondre le Père Fabien qui espérait de son dirigé le mot décisif.