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LE COIN S’INTRODUIT

à l’odeur du foin coupé, que la chanson ardente des moulins s’apaise et que la campagne se recueille pour entendre l’angelus… C’est l’heure et le lieu des fécondes méditations, vous en souvient-il ? Moi, presque chaque jour, quand venait six heures, je partais ; j’allais m’asseoir, comme au temps de mon enfance, sur la clôture du trait-carré, au bout du dernier cintre. Là, sans jamais m’en fatiguer, je contemplais les longues étendues de labour et de verdure. Qui donc l’a dit ? « La forêt, comme la mer, est éducatrice d’énergie ». Ce que j’avais là devant moi, c’était le champ de bataille de mes ancêtres, les vieux défricheurs, les vainqueurs des forêts vierges. Je voyais le reliquaire de leurs sueurs et de leur dure peine. Ce sol, pensais-je, a été conquis, pied par pied, pouce par pouce sur la forêt millénaire. Effort obstiné, violent, qui absorba la vie de cinq générations. Et pourtant, par quelle merveille, ce peuple d’une vie si rude est-il resté de visage si serein, d’âme si joyeuse ? Car, chaque fois que mes yeux revenaient aux longues terres, toutes, je le voyais, aboutissaient à une maison où flottait à ce moment, mêlé comme autrefois à la petite fumée bleue, la respiration du bonheur. Ici donc et depuis toujours, me disais-je, le cœur s’est tenu plus haut que la besogne. Ah ! quel tableau, et quelle philosophie m’en est venue !…

— Et de là, M. le philosophe, continua plus ému le religieux, de là, pour chercher la clé du mystère, vos yeux s’en sont allés d’eux-mêmes, n’est-ce pas, vers l’église prochaine, vers son clo-