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LE COIN TOMBE

cruel. Accordez-moi de rester près d’elle quelques jours. Après quoi, je vous le promets, je reviendrai. Nous irons à Saint-Michel et nous vivrons ensemble quelques semaines avant mon dernier adieu. Vous voulez ?

— Soit, ma Virginia, tu iras ; un sacrifice de plus ou de moins ne compte plus pour moi.

— Merci, mon bon papa, dit la jeune fille qui embrassa son père au front en lui jetant cet autre grand mot d’espoir :

— Qui sait si le Bon Dieu ne m’accordera pas de refaire entre vous et maman, l’avenir ? Resté seul, le pauvre père sentit le besoin de rassembler toutes ses énergies pour ne pas défaillir. Ses yeux se levèrent instinctivement vers le Christ de bronze qui dominait sa table de travail. Et c’est d’une voix où passait toute la supplication de son âme qu’il s’écria :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! le coin de fer n’a-t-il pas fini son ouvrage ? Ne va-t-il pas enfin tomber ?…

Abattu, épuisé par la longue série des souffrances morales qu’il avait endurées depuis quelques mois, une frayeur le prenait : où trouverait-il la force d’affronter les adieux de Maud et de Nellie ? Sa faiblesse redoutait au plus haut point le cruel moment.

La Providence se chargea d’y pourvoir. Le lendemain, lorsque Lantagnac rentra chez lui, à l’heure du souder, il remarqua tout de suite le