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LE COIN TOMBE

sant irrémédiable, elle avait jugé toute explication avec Jules inutile et superflue. Dès ce jour du 11 mai, la résolution de Maud Fletcher était prise et elle commençait de l’exécuter.

Ce même soir, du reste, où le journal avait apporté l’effarante nouvelle, elle convoqua son mari, non plus dans sa chambre, mais au salon où, franchement, elle lui avoua sa détermination :

— Mes appartements sont déjà loués à la haute-ville. Dans quatre ou cinq jours je partirai. Je ne veux point d’équivoque entre nous. Il ne faut point qu’il y ait de scandale devant le monde. Je pars sans bruit. Je vous avais prévenu de cette issue presque certaine. Je ne veux point suspecter les motifs de votre conduite. Je vous en demande autant pour les miens.

Elle prononça ces petites phrases, d’un ton sec, avec ce pli aux lèvres et au front que son mari connaissait trop bien et qui annonçait chez elle les entêtements sans merci. Lantagnac avait écouté, sans dire mot, dans une attitude chagrine, mais digne.

— Je sais, dit-il, quand elle eut fini, je sais que votre décision est irrévocable. Maud, continua-t-il, les yeux suppliants, je tiens à vous dire que cette décision, je la regrette profondément… profondément.

Elle répondit, non sans dureté :

— En effet, c’est irrévocable.

— Devant votre foi, Maud, osa-t-il reprendre, avez-vous songé à vos responsabilités ?