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DANS LA GRANDE ARÈNE

une préparation forcément si courte, serait folie. Sous prétexte de la servir, pouvait-il risquer de compromettre la cause des écoles ? Là-dessus, il s’emmura définitivement dans ce qu’il croyait être sa résolution suprême et finale. Non, Jules de Lantagnac ne pouvait parler ; il ne parlerait point.

À Virginia, toujours à ses côtés, et redevenue tout à coup étrangement triste, il ne sut que dire :

— Comme j’envie ceux qui après-midi vont défendre la cause des faibles !

— Moi aussi, répondit Virginia, et si Dieu l’avait voulu, que mon père m’eut paru beau dans ce grand rôle !

Puis, comme se parlant à elle-même elle ajouta :

— Pourtant je ne puis croire que toutes ces communions et toutes ces prières d’enfants ne produiront pas quelque chose…

Pendant l’avant-dîner, Lantagnac ne fit qu’une courte apparition à son étude d’avocat. Il se sentait totalement impropre à ce genre de travail. Orateur de tempérament, l’approche d’un grand débat, dût-il n’y pas figurer, lui donnait la fièvre oratoire, comme la vue de l’arène fait frissonner le lutteur. Ce jour-là, en son cerveau, les idées s’agitaient effervescentes. Le plan, l’ordonnance d’un discours sur la question bilingue s’organisait malgré lui dans sa tête. Il vivait ces minutes de fécondité incoercible où il semble qu’un moteur interne, ardent, presque en feu,